“Les enfants ont besoin de modèles auxquels s’identifier. Sinon, ils peuvent finir par penser qu’ils ne méritent pas d’être des héros.”
Quincy Gane nous rappelle à quel point la représentation est cruciale dans la littérature jeunesse, et à quel point les mots peuvent façonner des vies.
AYO éditions est ravie de vous faire découvrir l’interview de Quincy Gane, auteur jeunesse montpelliérain au talent pluriel. Avec plusieurs livres jeunesse à son actif, Quincy est une voix unique dans le domaine de la littérature pour enfants, mêlant des histoires ludiques à des messages profonds.
Son dernier ouvrage, Maud et les maudits mots, aborde avec subtilité et humour le pouvoir des mots et leurs conséquences, une thématique essentielle dans un monde où la communication joue un rôle clé dès le plus jeune âge. Découvrez sans plus attendre l'univers riche et inspirant de cet auteur passionné.
Qui est Quincy Gane et pourquoi avoir choisi décrire et d'illustrer pour la jeunesse?
Je suis un artiste multidisciplinaire, à la fois dessinateur, chanteur et auteur. J'essaie de garder cet émerveillement de l'enfance, ce regard d'enfant sur la vie. C'est important pour moi de préserver cette capacité d'émerveillement. Ah, et je suis aussi un grand amateur de crumble aux pommes ! J'ai choisi d'écrire et d'illustrer our la jeunesse car tout simplement parce que la jeunesse, c’est l’avenir. Tous les adultes d’aujourd’hui ont été des enfants, et je pense qu’il est important de transmettre les meilleures valeurs possibles à cette jeunesse. Ce sont eux qui construiront le monde de demain. Il est donc essentiel de leur donner les meilleurs outils pour bâtir un monde meilleur.
Tu te définis comme illustrateur avant d’être auteur, ou l’inverse, ou les deux à la fois ?
Je me définis d’abord comme illustrateur parce que j’ai commencé par le dessin. Depuis tout petit, je dessine en essayant de reproduire les personnages de cartoons qui m’ont marqué, comme Bugs Bunny ou Daffy Duck.
Mais j’ai toujours aimé les mots aussi. J’aime écrire. Donc, je me considère avant tout comme un illustrateur, mais aussi comme un auteur.
Dans les deux cas, on raconte des histoires : l’illustrateur le fait avec des images et l’auteur avec des mots.
Je me définis globalement comme un conteur d’histoires, mais je le fais d’abord avec des images.
“Mais en fait, je ne mérite pas d’être un héros. Il n’y a pas de héros ou d’héroïnes qui me ressemblent, donc où suis-je ?”
Ton portfolio montre beaucoup de personnages noirs, métis. Est-ce un souhait délibéré et est-ce important pour toi ?
Oui, c’est un choix délibéré et très important. Il y a un moment dans ma vie où certaines personnes m’ont fait remarquer que beaucoup d’œuvres, qu’il s’agisse de dessins animés ou de bandes dessinées, mettent en avant des héros et des héroïnes qui sont majoritairement blancs.
En tant que petit garçon noir, j’admirais ces héros et héroïnes, mais ils ne me ressemblaient pas, et cela peut soulever des questions identitaires à long terme. Cette question s’est posée quand j’avais à peu près dix ou onze ans. Un jour, un ami m’a dit :
“On devrait dessiner davantage des gens qui nous ressemblent. Nous sommes fans de tous les mangas qui existent dans le monde, mais ces héros ne nous ressemblent pas.”
Cette réflexion a cheminé en moi. Il est important pour moi de créer des personnages noirs ou métis auxquels les enfants peuvent s’identifier, afin d’éviter ces problématiques identitaires. Ils pourraient se dire : “Mais en fait, je ne mérite pas d’être un héros. Il n’y a pas de héros ou d’héroïnes qui me ressemblent, donc où suis-je ?” C’est cette question-là qui risque de se poser. Ils doivent pouvoir se dire : “Moi aussi, je peux être un héros” ou “Moi aussi, je peux être une héroïne.” C’est donc essentiel pour moi de mettre en avant des personnages noirs ou métis qui ont des rôles importants et valorisants.
Qui est Maud et qu’est-ce qui t’a inspiré cette histoire ?
Maud, pour la décrire, est une petite fille pleine de vie, qui adore son petit frère, sa maman, et qui aime rire et s’amuser. Mais elle a un défaut : elle est très susceptible. Quand elle se sent attaquée ou vexée, elle peut réagir de manière très violente.
Ce personnage m’a permis d’expliquer aux enfants que, parfois, sous le coup de l’énervement, on peut dire des mots qui dépassent notre pensée, mais ces mots peuvent blesser profondément. Une fois dits, ils laissent une marque, et cette blessure peut rester à vie. J’ai voulu aborder ce sujet de manière drôle mais aussi instructive avec Maud.
Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire un livre sur le harcèlement scolaire ?
Je n’ai pas écrit ce livre spécifiquement sur le harcèlement scolaire. En fait, j’ai voulu faire un livre qui parle du pouvoir des mots.
Comme je le disais, les mots peuvent blesser, mais ils peuvent aussi encourager, donner des ailes. C’est très important de bien choisir ses mots car ils ont une énergie, une vibration. On peut détruire quelqu’un avec des paroles, comme on le voit avec le phénomène des pervers narcissiques.
Mais les mots peuvent aussi être des moteurs positifs. Je voulais donc aborder la thématique du pouvoir des mots.
Ravalant sa fierté, Maud ramassa l’ananas et lui dit :
— Je sais qu’on ne s’aime pas beaucoup, mais je n’avais pas le droit de te parler comme je l’ai fait, je suis vraiment désolée.
Et il se trouve que, dans le cadre du harcèlement scolaire, cela se vérifie. On voit que les mots ont un pouvoir. On peut harceler quelqu'un juste avec des mots. Quand on se prend un coup de poing, on a très mal, mais on finit par guérir. La douleur finit par passer.
Mais une parole blessante, ça peut nous suivre toute notre vie et la douleur peut ne jamais passer. Donc, c'est pour ça que c'était important pour moi de rappeler cela : que les mots ont un pouvoir et qu'il faut les utiliser avec précaution. C’est important de rappeler que le but des mots, c’est de donner des ailes aux gens, non de les blesser ou de les faire se sentir mal. Et ce livre est là pour ça.
Si tu devais décrire ton livre en trois mots, quels seraient-ils ?
En trois mots, je dirais “Conte“, je rajouterais “Instructif” et pour le troisième mot, je dirais “Pouf !“
Quel message principal souhaites-tu transmettre aux jeunes lecteurs à travers ce livre ?
Faites attention à ce que vous dites, surtout aux gens que vous aimez. Les paroles peuvent blesser. Alors, quand vous sentez que vous allez dire quelque chose de blessant, réfléchissez-y à deux fois.
Posez-vous ces questions : Si je dis ça, qu’est-ce que ça va faire à l’autre ? Est-ce que j’aimerais qu’on me dise cela ? Ces deux réflexions peuvent parfois éviter bien des souffrances.
Le mot de la fin :
Que dirais-tu pour convaincre un parent d’acheter Maud et les maudits mots ?
Je dirais tout simplement que si vous aimez les contes à la fois ludiques et instructifs… et la couleur jaune, ce livre est fait pour vous !
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