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L’importance des personnages noirs dans les livres pour enfants

L’importance des personnages noirs dans les livres pour enfants

Dans la littérature jeunesse, les jeunes lecteurs construisent une partie importante de leur identité à travers les histoires qu’ils lisent. Les personnages rencontrés dans les livres deviennent souvent des modèles, des repères d’identification et d’inspiration. Ils façonnent l’imaginaire, nourrissent l’identité et renforcent le sentiment d’appartenance.

Pourtant, la visibilité des personnages noirs dans les livres pour enfants reste encore insuffisante. En France et en Belgique, notamment dans les grandes villes, une part importante des élèves est issue de l’immigration, ce qui rend d’autant plus urgente la nécessité d’une littérature jeunesse représentative. Ce déséquilibre restreint non seulement la compréhension des réalités culturelles des enfants concernés, mais aussi celle de tous les lecteurs, freinant ainsi la construction d’un imaginaire riche, inclusif et équitable.

Les enfants noirs ou métissés ont moins de modèles auxquels s’identifier, ce qui peut nuire à leur estime de soi et à leur sentiment d’appartenance. Offrir des livres pour enfants avec des personnages noirs comme options normales contribue à créer une représentativité réelle dès le plus jeune âge.

Un reflet sociétal à l’image de l’école

Dans l’enseignement obligatoire en Fédération Wallonie-Bruxelles, le nombre d’élèves issus de l’immigration est important et particulièrement dans la Région bruxelloise. En effet, 40 % des élèves sont d’origine étrangère à Bruxelles et 20 % en Région wallonne [1]. Concernant la France, parmi les personnes nées en France et ayant au moins un parent immigré, 11 % avaient au moins un parent né en Afrique subsaharienne (donnés de 2015) [2]. Ces chiffres soulignent que les salles de classe reflètent une diversité réelle, que la littérature jeunesse se doit de représenter pleinement.

Chez nos voisins britanniques, et selon une publication récente, malgré une population scolaire multiethnique (près de 40 % en 2025), la représentation des personnages ethniques minoritaires dans la littérature jeunesse a chuté de 14 % en 2022 à seulement 7 % en 2023[3]. Cela réduit les occasions de développer l’empathie, la compréhension de l’autre et l’intelligence émotionnelle chez tous les enfants. Des études démontrent par ailleurs que lire des personnages culturellement variés favorise l’empathie et la tolérance [4].

L’absence de diversité dans les livres pour enfants ne dessert donc pas uniquement les enfants non-blancs : elle empêche tous les enfants d’apprendre à comprendre et à respecter les cultures différentes.

Représentation et estime de soi ou Le Test de la Poupée

(c) Noir en France, documentaire de France 2

Les enfants construisent leur image de soi en grande partie à travers les récits qu’on leur propose. Des études montrent que les enfants noirs ont souvent intériorisé des stéréotypes négatifs, comme le démontrent les résultats du fameux Test des poupées de Clark & Clark (1947) [5], où beaucoup préféraient les poupées blanches et associaient des attributs positifs à ces dernières.

Voici les questions posées, et quelques résultats [6] :

  • « Donne-moi la poupée avec laquelle tu aimerais jouer, la poupée que tu préfères » : 76 % des enfants de 4 ans, noirs et s’identifiant comme tels, déclarent préférer jouer avec une poupée blanche
  • « Donne-moi la poupée qui est une gentille poupée » : 76 % des enfants noirs choisissent la poupée blanche comme étant la « gentille poupée » ;
  • « Donne-moi la poupée qui est moche » : parmi les enfants noirs de 4 ans, 55 % indiquent la poupée noire comme étant la poupée « moche », 25 % d’entre eux désignent la poupée blanche. Parmi les enfants noirs de 5 ans, la proportion de ceux qui indiquent la poupée noire comme étant la poupée « moche » passe à 78 %, seuls 11 % désignent la poupée blanche ;

Asher et Allen en 1969 reproduisent l’expérience de Clark et Clark en testant des enfants blancs. Selon leurs résultats, les enfants blancs manifestaient aussi une préférence très nette pour la poupée blanche, tandis qu’ils se détournaient de la poupée noire [7]. Ce test a été reproduit en Italie en 2016, et les résultats étaient similaires à ceux effectués aux États-Unis en 1947.

Plus près de chez nous, dans le documentaire Noirs en France diffusé en janvier 2022 sur France 2, des enfants ont été confrontés à des poupées similaires pour observer leurs réactions et leurs préférences. L’objectif était de mettre en évidence la persistance des préjugés raciaux et leur impact sur l’estime de soi des enfants. Les résultats ont révélé que même en France, des préjugés liés à la couleur de peau pouvaient influencer les choix et les perceptions des enfants.

Ces résultats, aussi alarmants qu’émouvants, rappellent l’urgence d’agir dès la petite enfance. Si les enfants intériorisent si tôt des stéréotypes raciaux, c’est notamment en raison du manque de repères positifs des personnes noires et métisses dans les représentations qui les entourent. Les livres jeunesse ont le pouvoir d’inverser cette tendance. En donnant à voir des personnages noirs positifs, courageux, tendres, intelligents et drôles, ils nourrissent l’estime de soi des enfants afro-descendants, tout en déconstruisant les préjugés chez les autres.

Égalité de genre et diversité culturelle : deux combats convergents

Le parallèle avec les initiatives en faveur de la représentation équitable des genres dans les livres enfants est frappant. Une enquête menée par l’Observatoire des inégalités révèle que dans la littérature jeunesse (albums et livres pour enfants de 0 à 12 ans), seulement 38 % des héros individuels sont des héroïnes [8], une différence notable qui démontre un déséquilibre significatif. Aujourd’hui, les efforts pour montrer des héroïnes dans les STEM ou comme leaders visent à élargir les horizons de toutes les filles. Il en va de même pour les enfants issus de l’immigration : les personnages noirs inspirants sont essentiels pour que chaque enfant se voie comme porteur de rêve et d’avenir. Renverser ces biais de représentation, c’est agir sur les imaginaires collectifs. Montrer à une fille qu’elle peut devenir astronaute ou présidente, c’est semer en elle une confiance qui peut profondément modifier sa trajectoire. De la même manière, offrir à un enfant noir une histoire où il est le héros, c’est lui envoyer un message puissant : « Tu comptes. Tu peux. Tu es digne. » Ces récits ne bénéficient pas qu’aux enfants directement concernés. Ils permettent également aux enfants blancs de grandir dans une culture de l’égalité, où la diversité est considérée non comme une exception, mais comme une norme valorisée. Ce changement dans les livres, ces fenêtres et ces miroirs, façonnent une génération plus empathique, ouverte et résolument tournée vers une société plus juste.

Une mission collective : imaginer un avenir juste dès maintenant

Promouvoir des livres pour enfants avec personnages noirs et diversifiés est un levier puissant pour construire un imaginaire collectif plus inclusif. Cela joue sur l’égalité de chances tout comme sur la confiance en soi des enfants issus de l’immigration. Il appartient aux écoles, bibliothèques, enseignant·es et parent·es de faire ce choix conscient et transformateur. C’est en enrichissant les bibliothèques scolaires avec des contes, albums, premiers romans, bandes dessinées et poésies avec des héros variés que l’on bâtit les fondations d’une société plus juste.

En conclusion, offrir à un enfant un livre où le héros lui ressemble — quel que soit son genre ou son origine — n’est pas un simple geste : c’est un acte fort qui participe à construire une éducation fondée sur la diversité, le respect et l’ouverture dès le plus jeune âge.

Chez Ayo Éditions, nous nous consacrons à la littérature jeunesse pour les enfants de 0 à 14 ans. Nos histoires abordent des thèmes universels qui touchent tous les enfants, tout en mettant en avant des personnages principaux afro-descendants. Découvrez notre catalogue d’albums jeunesse inclusifs et inspirez les jeunes lecteurs à grandir avec confiance, curiosité et bienveillance.

Sources

[1] CAL (CENTRE D’ACTION LAÏQUE), « L’enseignement face au défi de l’inégalité », 2011, pp. 11-82, https://www.laicite.be/app/uploads/2017/05/L-ecole-inegale-2011.pdf.

[2] INSEE (Institut National de la Statistique et des études économiques) « Être né en France d’un parent immigré », 2017, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2575541

[3] The Guardian, “Children’s books should reflect the diverse world they live in” Juin 2025, https://www.theguardian.com/books/2025/jun/10/childrens-books-should-reflect-the-diverse-world-they-live-in

[4] UNCONDITIONAL EDUCATION, “The Vital Role of Representation in Children’s Literature”, Dec 2024, https://www.unconditionaleducation.org/blog/the-vital-role-of-representation-in-childrens-literature

[5] The Legacy of Dr. Kenneth B. Clark, “Black is Beautiful: The Doll Study and Racial Preferences and Perceptions” https://kennethclark.commons.gc.cuny.edu/the-doll-study/

[6] Jean-Claude Croizet et Delphine Martinot, « Stigmatisation et estime de soi » (lier en ligne [archive], sur ResearchGate), dans J.-C. Croizet et J.-Ph. Leyens (dir.), Mauvaises réputations : réalités et enjeux de la stigmatisation sociale, Paris, Armand Colin, 2003, p. 25-59.

[7] Dambrun Michaël, Gatto Juliette, Roche Cécile, « L’effet du statut du groupe d’appartenance sur les attitudes ethniques implicites et explicites chez les enfants », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2005/3-4 (Numéro 67-68), p. 65-76. DOI:10.3917/cips.067.0065.

[8] Observatoire des inégalités, « BD, DVD, livres pour enfants : la portion congrue des héroïnes », Mai 2023, https://www.inegalites.fr/BD-DVD-livres-pour-enfants-la-portion-congrue-des-heroines

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